Quelques semaines seulement après vous avoir évoqué la saison 2011 d’IndyCar, voilà que je m’y remets de nouveau dans ce nouvel épisode de “Courses de légende” ! Mais nous sommes aujourd’hui le 16 octobre, et il y a 12 ans jour pour jour, Dan Wheldon perdait la vie, sur le Las Vegas Motor Speedway. L’occasion était donc trop belle de lui rendre un hommage en nous plongeant dans la plus belle victoire de sa carrière, la plus surprenante peut-être aussi, voici l’histoire des 500 Miles d’Indianapolis 2011 !
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Champion 2005 d’IndyCar, vainqueur de l’Indy 500 la même année, Dan Wheldon était l’une des stars du championnat. Seulement voilà, après avoir piloté trois saisons chez Ganassi, Wheldon a rejoint le Panther Racing pour les années 2009 et 2010, avec moins de résultats. Début 2011, le Britannique n’a pas de volant à temps plein, et doit se résoudre à trouver un baquet pour l’Indy 500 uniquement.
Tout miser sur Indianapolis n’est évidemment pas anodin, c’est évidemment l’épreuve la plus prestigieuse du championnat, et Dan Wheldon est également l’un des meilleurs pilotes de l’histoire sur cet ovale mythique. Il reste en effet sur deux deuxième places consécutives, et il aurait pu ajouter d’autres victoires, comme en 2006 où il a dominé l’épreuve avant de subir une crevaison.
Début 2011 pourtant, les belles opportunités se faisaient rares à l’aube de l’Indy 500. Fin mars, Wheldon annonce qu’il pilotera pour le Bryan Herta Autosport, l’équipe de son ami Bryan Herta, avec lequel ils étaient équipiers de 2003 à 2005. Sur le papier, c’est plutôt l’histoire humaine qui retient l’attention, les anciens équipiers étant de nouveau réunis, plutôt que le potentiel en piste ! L’équipe est en effet une petite structure, qui n’a participé qu’à une seule course d’IndyCar dans son histoire !
C’était déjà à Indianapolis, en 2010, avec le Colombien Sebastian Saavedra au volant. Et rien que le fait d’avoir pu participer à la 94e édition de l’Indy 500 relevait du miracle, pour Saavedra comme pour son équipe. En effet, lors de la dernière journée des qualifications, l’équipe de Bryan Herta luttait comme d’autres pour se qualifier dans le peloton composé de 33 voitures, quand Saavedra venait perdre le contrôle et frapper le mur en essais. Emmené à l’hôpital pour des examens, le Colombien tire un trait sur son rêve de participer à la plus grande course de monoplaces au monde.
Mais une incroyable série de tentatives avortées ou bien tout simplement trop lentes par les autres pilotes vont permettre au Bryan Herta Autosport de réintégrer le peloton, à la 32e place ! En course, Saavedra a terminé dans le mur au 160e tour mais l’essentiel était bien d’avoir pu participer !
On pouvait donc s’étonner de voir Dan Wheldon signer pour une si petite structure, qui n’avait pas beaucoup d’expérience et pas de résultats. Mais comme nous allons le voir, c’était un choix gagnant, et pas du tout idiot si l’on s’intéresse aux coulisses…
Pour son assaut sur l’Indy 500 2011, Bryan Herta s’est en effet lié à Sam Schmidt, et son équipe du Sam Schmidt Motorsports, qui faisait son retour à temps complet avec notamment Alex Tagliani au volant de la voiture n°77. Du coup, Herta et Wheldon pouvaient compter sur un châssis de chez Schmidt, et sur l’expérience de bons nombres de membres de l’écurie, afin de performer à un meilleur niveau.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était un choix inspiré ! Toute la semaine, les voitures de Schmidt et Herta se sont montrées dans le coup, et le samedi lors des qualifications, Alex Tagliani s’offre le luxe de décrocher la pole position ! Townsend Bell partira lui quatrième, alors que Dan Wheldon n’est pas en reste, avec une excellente sixième position sur la grille de départ, qui lui permet donc de partir à l’extérieur de la deuxième ligne.
Si les années précédentes étaient dominées par les équipes Penske, Ganassi et Andretti, 2011 marquait un resserrement de la hiérarchie, et toutes les cartes étaient rebattues. Wheldon comptait bien en profiter, surtout qu’une telle opportunité pouvait ne pas se représenter à l’avenir, l’IndyCar passant à un nouveau package châssis/moteur dès 2012. Il fallait donc jouer sa carte à fond, et c’est précisément ce qu’il allait faire ce dimanche 29 mai 2011.
Si chaque année, les pilotes cochent particulièrement l’Indy 500 comme LA course à gagner, c’est encore plus le cas en 2011. En effet, on fête cette année-là le centenaire de l’épreuve, courue pour la première fois le 30 mai 1911 et remportée par Ray Harroun. Comme on le dit souvent, et comme on l’a dit à propos des 24 Heures du Mans 2023, s’il y en a une à gagner, c’est celle-là…
Dès le départ, Wheldon s’empare de la quatrième position, derrière Tagliani, qui n’aura pas pris un très bon départ, laissant Scott Dixon prendre les commandes de l’épreuve. Dans les premiers tours, Wheldon se fera dépasser par Townsend Bell, mais il se positionne en cinquième position, confortablement.
La première neutralisation de l’épreuve interviendra au 22e tour suite à l’accident de Takuma Sato dans le premier virage. L’occasion idéale pour passer au stand, remettre 4 pneus et remplir le réservoir avec 70 litres d’ethanol. Wheldon ressort de la pitlane en sixième position, et c’est à cette place qu’il prendra le restart suivant.
La course sera restée sous drapeau vert quelques centaines de mètres, puisque EJ Viso tape le mur, lui aussi au premier virage, et la voiture de sécurité intervient de nouveau. Wheldon a toutefois eu le temps de passer en cinquième position, et c’est à cette place qu’il figure au 34e tour, lorsqu’on relance la course pour de bon. Tout de suite, le Britannique attaque Townsend Bell pour la quatrième position.
Au fur et à mesure du relais, Wheldon parviendra à tenir avec les voitures du Chip Ganassi Racing et il passe le premier quart de course en troisième position, devant Alex Tagliani. La course est de nouveau neutralisée au 62e tour, Jay Howard, dans une autre voiture du Sam Schmidt Motorsports, ayant perdu une roue après son arrêt au stand.
Wheldon glisse à la quatrième place au restart, derrière Tagliani, puis comme sur le relais précédent, c’est la numéro 98 qui va prendre l’avantage au fil des tours, permettant à Wheldon d’être en troisième position lorsqu’il s’arrête au 98e tour de l’épreuve. Alors que nous arrivons à mi-course, une chose est sûre, les deux pilotes du Chip Ganassi Racing seront difficiles à battre, mais Wheldon est clairement dans le rythme avec sa modeste équipe…
James Hinchcliffe frappe le mur pile au 100e tour de course, et l’épreuve est donc neutralisée pour la quatrième fois. JR Hildebrand, qui a remplacé Wheldon au sein du Panther Racing, est alors en tête, ne s’étant pas encore arrêté au stand. Le Rookie américain semble donc pouvoir très bien économiser son carburant, et ça aura son importance plus tard…
La course reprend au 108e tour, avec Dario Franchitti aux commandes, devant Oriol Servia et Marco Andretti, qui ont profité du drapeau jaune pour se replacer aux avant-postes. Wheldon est sixième, toujours dans le bon peloton. Le Britannique, comme l’ensemble du peloton, commence toutefois à discuter avec son équipe de la possibilité de ne faire que deux arrêts au stand supplémentaires d’ici la fin de course, et donc économiser suffisamment de carburant.
Dan Wheldon s’arrête une nouvelle fois au stand au 136e tour de course, après avoir faire de nouveau son apparition dans le top 5. Comme lors du relais précédent, JR Hildebrand parviendra à tenir plus longtemps avec son plein de carburant et s’arrêtera au 140e tour, 60 boucles avant l’arrivée. Mais un pilote fera encore mieux, le Belge Bertrand Baguette, qui s’arrêtera au 141e.
La course est de nouveau neutralisée au 148e tour, Alex Tagliani ayant tapé le mur. Cela fait donc deux cartouches d’utilisées pour Sam Schmidt, qui a encore Townsend Bell et donc Dan Wheldon en course. Très vite toutefois, il ne lui restera plus que Dan Wheldon, puisque Bell terminera la course dans le mur deux tours après le restart, au 158e passage. L’Américain s’est accroché avec le pilote Penske Ryan Briscoe.
On relance l’épreuve à 35 tours du but, avec Oriol Servia en tête, mais l’Espagnol se fait immédiatement dépasser par Graham Rahal. Derrière, Wheldon est encore aux portes du top 5, en sixième position. Et c’est à partir de ce moment que plusieurs stratégies vont s’affronter. Wheldon, comme les pilotes devant lui, doit encore s’arrêter une fois au stand. Les leaders passeront par la pitlane entre le 170e et le 180e tour de course.
Ces arrêts laisseront la voie libre à une deuxième stratégie, notamment utilisée par Danica Patrick et Bertrand Baguette. Ces pilotes se sont arrêtés dans la foulée de l’accident impliquant Townsend Bell et Ryan Briscoe, à 40 tours de l’arrivée. Pour espérer l’emporter, il leur faut absolument un drapeau jaune dans les derniers tours de course, afin de pouvoir économiser du carburant.
A 12 tours de l’arrivée, Bertrand Baguette prend les commandes de l’épreuve. Danica Patrick s’arrête trois tours plus tard, et le pari fou du Belge peut potentiellement fonctionner. Les tours défilent, Baguette mène toujours l’épreuve, on commence à se demander s’il ne va pas aller s’imposer !
Malheureusement, le drapeau jaune espéré n’arrivera jamais, et le pilote du Rahal Letterman Lanigan Racing passe une dernière fois au stand à quatre petits tours de l’arrivée. Cet arrêt va donc laisser la main aux pilotes sur la troisième stratégie de carburant, et selon toute logique, c’est Dario Franchitti qui devrait débouler en tête et se placer pour gagner un deuxième Indy 500 de suite !
Sauf que non, c’est le rookie JR Hildebrand qui prend les commandes ! L’Américain a parfaitement économisé son carburant, tout en gardant un meilleur rythme que Franchitti, le dépassant à quelques tours de l’arrivée. A trois tours de la fin, la situation est la suivante : Hildebrand mène devant Franchitti, Dixon, et Wheldon.
Manque de chance pour Franchitti, il doit drastiquement réduire son rythme dans les derniers tours, et il ne lutte plus pour la victoire. Restent donc Hildebrand, qui peut apporter au Panther Racing une première victoire après trois deuxièmes places consécutives, Dixon, qui a gagné l’épreuve en 2008, et Wheldon, vainqueur en 2005. Si Hildebrand ne parvient pas à finir l’épreuve, la logique voudrait que Dixon l’emporte.
Seulement voilà, en 2011, le Chip Ganassi Racing rencontrait des problèmes en termes de gestion de carburant. Lors des qualifications, les deux pilotes sont d’ailleurs tombés en panne d’essence. Dixon a pu terminer son run de quatre tours, mais pas Franchitti, qui partait donc en 9e place. En course, rebelote pour Scott Dixon ! Alors qu’il aurait dû pouvoir finir confortablement la course, son équipe n’a pas mis assez de carburant, et à l’aube du dernier tour, c’est bien Dan Wheldon qui prend la deuxième position.
La suite appartient à l’histoire. JR Hildebrand reste en tête, arrive dans le troisième virage et voit au loin la voiture de Charlie Kimball, au ralenti. Le pilote de la numéro 4 aux couleurs de la National Guard choisit alors de passer par l’extérieur dans le 800e et dernier virage de l’épreuve, mais il roule dans les marbles, ces petites billes de gommes qui s’accumulent au passage des voitures.
Il percute le mur à la sortie du dernier virage, garde le pied fermement enfoncé sur l’accélérateur, mais dans les derniers mètres, Dan Wheldon surgit, dépasse et remporte la 95e édition des 500 Miles d’Indianapolis, à la surprise générale ! Hildebrand franchira bien la ligne en deuxième position, pour la quatrième année consécutive pour le Panther Racing.
Pour Wheldon, c’est évidemment la jubilation. C’est lui qui a terminé deuxième les deux dernières années, et cette fois, il peut savourer le lait du vainqueur ! Le Britannique, qui n’a signé que pour une course en 2011, réalise le coup de poker magistral et s’impose, face à de nombreuses équipes beaucoup plus fortunées que la sienne.
L’émotion est énorme pour Wheldon qui peut cette fois profiter de son triomphe avec sa femme Susie et ses deux enfants, Sebastian, âgé de deux ans, et Oliver, qui n’a que quelques mois à peine. Le jeune pilote impétueux, vainqueur en 2005, a laissé la place à un père de famille à la croisée des chemins, qui va pouvoir relancer sa carrière.
Dans la foulée de cet Indy 500, Dan Wheldon et le Bryan Herta Autosport seront en effet choisis par l’IndyCar pour mener à bien les essais de la voiture 2012. Wheldon acceptera ensuite le challenge de cinq millions de dollars créé par l’IndyCar lors de la dernière course de la saison, à Las Vegas. Il pilote pour l’occasion la voiture n°77 du Sam Schmidt Motorsports.
Malheureusement, Wheldon perd la vie au cours d’un terrible accident au 11e tour de course. Le même week-end, il avait signé chez Andretti Autosport pour remplacer Danica Patrick, partie en NASCAR, à partir de la saison 2012, au volant d’une voiture qu’il avait aidé à développer. Nulle doute que sa carrière allait véritablement repartir…
Dans la foulée, Dallara décide de renommer sa voiture la DW12 en hommage à son pilote d’essais. Dario Franchitti remportera l’Indy 500 en 2012, après une journée de célébrations dédiées au vainqueur en titre. Scott Dixon, champion IndyCar en 2008, a porté son palmarès à six couronnes au total, mais n’a toujours pas remporté une deuxième fois l’Indy 500…
Bryan Herta a fusionné son équipe avec Andretti Autosport en 2016, remportant la même année l’Indy 500 avec son pilote Alexander Rossi. Herta aura donc été le propriétaire des voitures ayant gagné l’édition du centenaire, et la 100e édition !
Sam Schmidt a continué d’engager des voitures en IndyCar jusque 2019, avant que son équipe ne s’associe à McLaren début 2020. Aujourd’hui, si McLaren détient 75 % de l’écurie, Schmidt et son associé Ric Peterson détiennent les 25 % restants.